Newsletter Du 25 Mars 2024 Au 5 Avril 2024 | N° 69 – White Collar Crime, Anti-Corruption & Fraud


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Quelques propos introductifs

La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise
à offrir, de manière hebdomadaire, un tour
d’horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal
fédéral dans les principaux domaines
d’activité de l’Etude, soit le droit pénal
économique et le recouvrement d’actifs (asset
recovery
).

Sans prétendre à l’exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique principal développé par notre
Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de
procédure pénale, droit pénal
économique, droit international privé, droit de la
poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l’entraide
internationale.

I. PROCÉDURE PÉNALE

TF 7B_211/2022 du 12 mars 2024 |
Nécessité d’ordonner un classement partiel des
faits prescrits et violation de la présomption
d’innocence (art. 329 al. 4 et 5 CPP, art. 10 al. 1 CPP)

  • Le 20 août 2018, le Ministère public du canton du
    Soleure a rendu une ordonnance pénale à
    l’encontre de A. (« Recourant »)
    pour diverses violations de la LCR, notamment pour s’être
    soustrait aux mesures visant à déterminer son
    incapacité de conduire après un accident.
    Après l’opposition du Recourant,
    l’Amtsgerichtsstatthalterin
    d’Olten-Gösgen a (i) constaté la
    prescription de certains faits reprochés dans l’acte
    d’accusation (ch. 1 et 3), et (ii) condamné le
    Recourant en lien avec les mesures de détermination de
    l’incapacité de conduire (ch. 2).

  • Le Recourant s’est plaint d’une violation des art. 329
    al. 4 et 5, et 2 al. 2 CPP en ce qu’un classement concernant
    les ch. 1 et 3 de l’acte d’accusation aurait dû
    être prononcé en raison de l’existence d’un
    empêchement de procéder (prescription). De plus,
    l’absence de classement de ces faits et leur utilisation
    indirecte pour le condamner sur le ch. 2 violait la
    présomption d’innocence (art. 10 al. 1 CPP) (consid.
    2.1).

  • Dans ses considérants, le Tribunal fédéral
    a rappelé qu’un classement partiel n’entre en
    principe en ligne de compte que lorsqu’il s’agit de juger
    plusieurs états de fait ou plusieurs actes au sens
    procédural du terme, qui peuvent faire l’objet d’un
    traitement séparé. En revanche, dans la mesure
    où il s’agit uniquement d’une appréciation
    juridique différente d’un seul et même état
    de fait, un classement partiel de la procédure est exclu. Si
    la procédure est, à tort, partiellement
    classée et que le classement partiel entre en force, son
    effet de blocage s’oppose, en vertu du principe ne bis in
    idem
    , à une condamnation pour les mêmes faits
    (consid. 2.3.2).

  • In casu, notre Haute Cour a considéré,
    d’une part que, bien que les trois griefs formulés
    à l’encontre du Recourant soient étroitement
    liés, ils reposaient sur des états de fait
    différents qui pouvaient clairement être
    distingués les uns des autres. La première instance
    aurait donc dû classer la procédure concernant les ch.
    1 et 3 de l’acte d’accusation en raison de la prescription
    (consid. 2.4.3 et 2.4.4).

  • D’autre part, le Tribunal fédéral a
    constaté que, bien que l’instance
    précédente n’ait pas statué sur les ch. 1
    et 3 de l’acte d’accusation, elle n’avait pas non plus
    prononcé de classement ou d’acquittement les concernant.
    Au contraire, l’instance inférieure avait implicitement
    considéré, lors de son évaluation du ch. 2 de
    l’acte d’accusation, que l’accident s’était
    produit comme décrit au ch. 1, soit causé par le
    Recourant en violation des règles de la circulation
    routière. L’argumentation de l’instance
    inférieure violait donc la présomption
    d’innocence, (consid. 2.4.5).

  • Partant, le recours a été admis et la cause
    renvoyée.

TF 7B_636/2023 du 14 février 2024|
Récusation d’un procureur suite à la violation de
son devoir d’assistance à un détenu pour refus de
traitement dentaire (art. 56 CPP, art. 6 ch. 1 CEDH)

  • Après avoir été placé en
    détention provisoire le 24 décembre 2022 pour
    infraction qualifiée à la loi sur les
    stupéfiants, A. (« Intimé
    ») a requis du Tribunal cantonal des Grisons («
    Tribunal cantonal ») la récusation du
    procureur B. (« Procureur ») au motif
    qu’il avait retenu sa correspondance et que les deux se
    connaissaient avant son incarcération.

  • Le 6 juin 2023, l’Intimé a fait une nouvelle demande
    de récusation auprès du Tribunal cantonal dans
    laquelle, outre les faits précédemment
    allégués, il a ajouté que le Procureur lui
    avait refusé un traitement dentaire médicalement
    nécessaire afin de retirer ses dents de sagesse.

  • Par décision du 16 août 2023, le Tribunal cantonal
    a admis sa demande de récusation et a constaté que le
    Procureur avait été partial. Le Ministère
    public des Grisons (« Recourante ») a
    interjeté un recours en matière pénale au
    Tribunal fédéral.

  • Devant notre Haute Cour, la Recourante a invoqué la
    violation de l’art. 56 CPP (consid. 4).

  • Elle a allégué que même si le Procureur
    n’avait pas ordonné un traitement dentaire
    nécessaire pour l’Intimé, ce n’était
    pas une raison suffisante pour justifier une récusation,
    puisque, selon les dispositions cantonales déterminantes,
    l’extraction des dents de sagesse fait partie des
    dépenses personnelles du détenu, soit de
    l’Intimé (consid. 4.1).

  • Le Tribunal fédéral a rappelé que
    l’art. 56 CPP concrétise les garanties
    procédurales des art. 6 ch. 1 CEDH, art. 29 al. 1 et 30 al.
    1 Cst. pour les autorités de poursuite pénale et ses
    organes. Outre les cas énoncés à l’art. 56
    let. a – e CPP, un procureur se récuse lorsqu’il
    pourrait être partial pour d’autres raisons, telles
    qu’une amitié ou inimitié envers une partie ou
    son mandataire (let. f) ou lorsque toute autre circonstance,
    objectivement analysée, est propre à produire une
    méfiance quant à l’impartialité de la
    personne qui dirige l’instruction. Cette hypothèse ne
    doit pas aisément être admise vis-à-vis du
    ministère public selon la pratique jurisprudentielle
    fédérale (consid. 4.2).

  • Toujours selon notre Haute Cour, et en déduisant cela de
    l’art. 3 CEDH, il appartient aux Etats parties de fournir des
    soins médicaux appropriés aux personnes
    privées de liberté. En particulier, les
    autorités doivent veiller é ce qu’une personne
    détenue malade reçoive rapidement un diagnostic
    précis et un traitement adéquat. Enfin, le niveau de
    soins médicaux requis doit être compatible avec la
    dignité humaine de la personne détenue, tout en
    tenant compte des exigences pratiques liées à la
    détention (consid. 4.3).

  • In casu, il n’est pas reproché au Procureur
    d’avoir suivi les dispositions cantonales et ainsi avoir
    attendu une garantie de prise en charge des frais dentaires par
    l’Intimé, mais de ne pas s’être enquis,
    malgré l’urgence des soins dont nécessitait le
    prévenu, si celui-ci était au bénéfice
    d’une telle garantie. Compte tenu de l’importance du droit
    au traitement médical de l’Intimé, le Procureur a
    violé son devoir d’assistance concrétisant
    l’apparence de partialité (consid. 4.4).

  • Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le
    recours

TF 7B_80/2023 du 6 février 2024|
Qualité pour recourir individuelle d’une
héritière contre un classement visant sa sSur
décédée et son conjoint (art. 81 al. 1 let. b
ch. 5 et 6 LTF)

  • Le 26 avril 2021, A. (« Recourante
    ») a déposé plainte contre sa sSur D.B. pour
    gestion déloyale à l’encontre de leur mère
    décédée C., en décembre 2020. En
    particulier, la Recourante a reproché à sa sSur
    d’avoir retiré d’importantes sommes d’argent des
    comptes bancaires de leur mère et d’avoir obligé
    cette dernière à lui céder à vil prix
    la villa dont elle était propriétaire en Italie. D.B.
    est décédée en avril 2022.

  • Par courrier du 1er juin 2022, la Recourante a sollicité
    du Ministère public genevois («
    Ministère public ») l’extension
    de la procédure pénale à B.B., époux de
    D.B. Elle a fait valoir que ce dernier avait participé
    à la commission des faits reprochés à feu
    D.B., à tout le moins concernant la cession du bien
    immobilier situé en Italie dont il était devenu
    propriétaire avec son épouse.

  • Par ordonnance du 19 décembre 2022, le Ministère
    public a classé la procédure pénale ouverte
    contre D.B. pour gestion déloyale ainsi que la
    procédure contre B.B. (« l’Epoux
    ») au motif qu’il existait un empêchement de
    procéder du fait du décès de D.B., d’une
    part, et, d’autre part, du fait de l’incompétence
    des autorités suisses vis-à-vis du bien immobilier
    sis à l’étranger. La Recourante a conclu à
    l’annulation de l’ordonnance de classement et au renvoi de
    la cause au Ministère public pour ouverture d’une
    instruction pénale contre B.B.

  • Le Tribunal fédéral a commencé par
    rappeler que les successeurs d’une personne physique ou morale
    lésée doivent être considérés
    comme des lésés indirects, qui en principe ne peuvent
    pas se constituer partie plaignante dans la procédure
    pénale. Ainsi le lésé qui, à son
    décès, n’a pas renoncé à ses droits
    de procédure, les passe à ses proches et ces derniers
    seront habilités à introduire uniquement une action
    civile sans pouvoir se rapporter aux droits de procédure qui
    découlent directement des conclusions civiles (art. 121 CPP
    cum art. 110 al. 1 CP) (consid. 1.3.2).

  • En cas d’infractions commises au préjudice d’une
    communauté héréditaire, les héritiers
    individuellement sont considérés comme des
    lésés (art. 115 al. 1 CPP). Le droit de porter
    plainte appartient à chaque héritier personnellement
    (art. 30 al. 1 CP). L’héritier lésé qui
    s’est constitué partie plaignante est
    légitimé à recourir sur le plan cantonal,
    contre la décision de non-entrée en matière,
    sans le concours des autres héritiers. Cependant, au niveau
    fédéral, la partie plaignante ne peut recourir que si
    la décision attaquée peut avoir des effets sur les
    prétentions civiles et avec le concours des autres
    héritiers (art. 81 al. 1 ch. 5 LTF cum art. 602 al.
    1 CC) (consid. 1.3.3).

  • In casu, la Recourante n’avait consacré
    aucun développement à la question de sa
    qualité pour recourir seule devant le Tribunal
    fédéral. En particulier, elle n’avait pas fait
    mention de comment la succession avait été
    réglée avec les 5 autres enfants et les motifs pour
    lesquels elle serait la seule et unique titulaire des
    prétentions civiles découlant d’infractions
    commises au préjudice de la communauté
    héréditaire de feu C. Partant, elle ne disposait pas
    de la qualité pour recourir au sens de l’art. 81 al. 1
    ch. 5 LTF (consid. 1.3.4).

  • La Recourante s’est notamment prévalue d’une
    violation de son droit de porter plainte relatif à
    l’infraction de gestion déloyale et/ou de recel (consid.
    2).

  • Selon l’art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF, le plaignant
    n’a qualité pour recourir en matière
    pénale que pour autant que la contestation porte sur son
    droit de porter plainte. Dans ce cadre, seuls peuvent être
    soulevés des griefs relatifs à
    l’irrégularité de ce droit et de ses conditions
    (art. 30 à 33 CP). De ce fait, celui qui dénonce une
    infraction poursuivie d’office n’a pas la qualité de
    plaignant et, partant pas la qualité de recourir au sens de
    cette disposition (consid. 2.1.1).

  • La poursuite de certaines infractions commises au
    préjudice de proches ou de familiers (cf. art. 110 al. 1 et
    2 CP) implique le dépôt d’une plainte
    pénale au sens de l’art. 30 CP. Il en va notamment ainsi
    de l’art. 158 ch. 3 CP qui dispose que la gestion
    déloyale au préjudice des proches ou des familiers ne
    sera poursuivie que sur plainte. Lorsque l’auteur de
    l’infraction est un proche ou un familier de la personne
    lésée par cette infraction, une plainte est donc
    nécessaire, comme condition de la poursuite pénale
    (consid. 2.1.2).

  • In casu, le 26 avril 2021, la Recourante a
    porté plainte contre l’Epoux de sa sSur, pour gestion
    déloyale du fait de la cession et de la vente de la villa en
    Italie. Or, il est incontestable que vis-à-vis de la
    défunte C., l’Epoux de la sSur de la Recourante n’a
    pas la qualité de proche au sens du code pénal
    suisse. Partant, l’infraction ne se poursuivait pas sur
    plainte, mais d’office. Dès lors, la Recourante
    n’avait pas la qualité de plaignante et ne pouvait pas
    se prévaloir de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF
    (consid. 2.3.1).

  • Partant, le recours a été rejeté.

TF 6B_993/2022 du 18 mars 2024 | Violation du
droit à un procès équitable – absence de
prononcé d’une interdiction de postuler – conflits
d’intérêts en raison de l’association du
mandataire et du procureur en procédure d’appel (art. 6
par. 1 CEDH, art. 3 et 4 CPP, art. 12 let. c LLCA )

  • Par jugement du 29 avril 2021, A. («
    Recourant ») a été reconnu
    coupable de violence ou menace contre les autorités et les
    fonctionnaires par le Tribunal de Police de la République et
    canton de Genève. Sur appel, sa demande d’interdiction
    de postuler à l’endroit de Me G., représentant
    l’intimé, a été rejetée.

  • Devant le Tribunal fédéral, le Recourant a
    reproché à l’instance précédente
    d’avoir violé son droit à un procès
    équitable et le principe de l’égalité des
    armes, au motif qu’un conflit d’intérêts
    serait survenu du fait que le procureur (Me F.) ayant instruit la
    procédure pénale était devenu
    l’associé du mandataire (Me G.) de l’intimé
    pendant la procédure d’appel. Il a invoqué
    à ce titre une violation des art. 6 par. 1 CEDH ainsi que 3
    et 4 CPP (consid. 2).

  • Dans cet arrêt, la question posée était
    celle de savoir si un procureur peut, après avoir
    quitté le ministère public, agir en qualité
    d’avocat d’une partie à la procédure
    pénale au cours de laquelle il avait préalablement
    exercé les fonctions d’accusateur public (consid.
    2.2).

  • Le Tribunal fédéral a rappelé que
    l’art. 12 let. c LLCA prévoit que l’avocat doit
    éviter tout conflit d’intérêts entre les
    intérêts du client et ceux des personnes avec
    lesquelles il est en relation. Si un conflit
    d’intérêts survient, l’avocat doit
    immédiatement mettre fin à la représentation.
    A défaut, l’avocat doit se voir dénier par
    l’autorité la capacité de postuler. Cette
    interdiction de plaider ne se limite pas à l’avocat
    seul, mais rejaillit sur ses associés et s’étend
    à l’ensemble de l’étude ou du groupement
    auquel il appartient. Sous cet angle, sont donc en principe
    concernés tous les avocats exerçant dans une
    même étude au moment de la constitution du mandat, peu
    importe leur statut (associés ou collaborateurs) (consid.
    2.2.1).

  • En particulier, la jurisprudence a retenu le conflit
    d’intérêts avéré, dès que
    survient la possibilité d’utiliser, consciemment ou non,
    dans un nouveau mandat, les connaissances acquises
    antérieurement, sous couvert du secret professionnel, dans
    l’exercice du mandat antérieur (consid. 2.2.2).

  • Notre Haute Cour a précisé que permettre au
    procureur qui a officié dans une procédure
    pénale en cette qualité, d’intervenir, par la
    suite, comme conseil d’une partie à cette même
    procédure, n’est pas compatible avec les exigences de
    procès équitable, puisqu’une telle situation
    crée, à tout le moins sous l’angle des
    apparences, un déséquilibre entre les parties induit
    par le risque de conflit d’intérêts
    précédemment identifié (consid. 2.3).

  • In casu, Me F. avait été le procureur en
    charge de la procédure pénale dirigée contre
    le Recourant jusqu’au 31 décembre 2021, soit
    postérieurement à l’ouverture de la
    procédure d’appel au cours de laquelle le
    prénommé s’était notamment
    déterminé. À partir du 1er janvier 2022, il
    s’était associé à Me G., qui
    s’était constitué conseil de l’intimé
    au stade de la procédure d’appel. Dès cette date,
    un risque concret de conflit d’intérêts
    était survenu en raison de la possibilité
    d’utiliser, consciemment ou non, dans le cadre de ce mandat,
    les connaissances acquises par l’ancien procureur, ce qui
    constituait l’élément déterminant pour
    admettre l’existence d’un tel risque (consid. 2.4).

  • Dès lors, le Tribunal fédéral a
    considéré que la cour cantonale avait violé le
    droit du Recourant à un procès équitable en
    refusant d’interdire au conseil de l’intimé de
    postuler (consid. 2.4).

  • Partant, le recours a été admis et la cause
    renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle
    décision pour les actes postérieurs au 1er janvier
    2022 (consid. 4).

II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE

TF 7B_366/2023 du 14 février 2024 |
Absence de soupçons suffisants pour le maintien du
séquestre de valeurs patrimoniales (art. 263 CPP)

  • En février 2018, I. SA (« Plaignante
    »
    ), une compagnie pétrolière
    appartenant à un État sud-américain, a
    déposé plainte pénale auprès du
    Ministère public genevois contre plusieurs individus
    (« Recourants »), dont A. et D., pour
    corruption d’agents publics étrangers, blanchiment
    d’argent et soustraction de données. Les investigations
    ont inclus des auditions, des saisies de fichiers informatiques et
    des commissions rogatoires internationales, mais n’ont pas
    apporté d’éléments concluants. En
    réponse à la demande du Ministère public, la
    Plaignante a partiellement fourni la documentation requise.

  • Par la suite, des séquestres ont été
    ordonnés sur les avoirs des Recourants. Dans leur
    requête de levée de ces séquestres, les
    Recourants ont affirmé que les soupçons
    nécessaires au maintien de ces mesures ne
    s’étaient pas renforcés, invoquant notamment le
    classement de la plainte de la Plaignante déposée
    pour les mêmes faits dans l’Etat sud-américain
    où elle a son siège et l’absence de
    démonstration concrète de ses autres
    allégations.

  • Dans dix ordonnances du 7 novembre 2022, le Ministère
    public a levé les séquestres frappant les divers
    comptes bancaires tout en précisant qu’une partie des
    pièces et fichiers électroniques saisis à
    Genève n’avaient pas encore été
    exploités en vue de leur versement au dossier, faute de
    critères de tri suffisamment sélectifs. Il en
    résultait ainsi qu’après quatre ans
    d’instruction, les soupçons initiaux n’avaient pas
    totalement disparus, mais qu’en l’état, les
    éléments réunis ne renforçaient pas la
    perspective d’une confiscation des valeurs patrimoniales
    saisies.

  • Le 20 juin 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour
    de justice genevoise a admis les recours formés par la
    Plaignante. Les Recourants ont interjeté recours contre
    cette décision.

  • Le Tribunal fédéral a rappelé que les
    mesures de contrainte doivent être justifiées par
    l’existence de soupçons suffisants, et que leur maintien
    doit être proportionné au regard de la gravité
    de l’infraction (art. 197 al. 1 CPP). Un séquestre est
    une mesure basée sur la vraisemblance. Tant que
    l’instruction n’est pas achevée et que subsiste une
    probabilité de confiscation, de créance compensatrice
    ou d’une allocation au lésé, la mesure
    conservatoire doit être maintenue. Le séquestre ne
    peut être levé que dans l’hypothèse
    où il est d’emblée manifeste et indubitable que
    les conditions matérielles d’une confiscation ne sont
    pas réalisées et ne pourront pas l’être.
    Cependant, les probabilités d’une confiscation,
    respectivement du prononcé d’une créance
    compensatrice, doivent se renforcer au cours de l’instruction.
    L’autorité doit pouvoir statuer rapidement (art. 263 al.
    2 CPP), ce qui exclut qu’elle résolve des questions
    juridiques complexes ou qu’elle attende d’être
    renseignée de manière exacte et complète sur
    les faits avant d’agir. Un séquestre peut par ailleurs
    apparaître disproportionné lorsque la procédure
    dans laquelle il s’inscrit s’éternise sans motifs
    suffisants (consid, 3.2).

  • In casu, le Tribunal fédéral a
    constaté que malgré les mesures d’instruction
    effectuées depuis le dépôt de la plainte, les
    données saisies n’avaient pas été
    exploitées de manière significative. Alors que le
    volume des données à exploiter était
    particulièrement important dans le cas d’espèce,
    le Ministère public ne paraissait pas non plus avoir
    disposé d’informations suffisantes lui permettant de
    cibler, notamment par des mots-clés, les données
    pertinentes, faute d’une collaboration appropriée de la
    Plaignante. Les juges de Mon-Repos ont également
    souligné, à l’instar de l’instance
    inférieure qui n’en avait néanmoins pas fait
    grand cas, l’absence de mise en évidence d’actes
    viciés ou de flux de fonds précis qui viendraient
    étayer le rapport de corruption avancé par la
    Plaignante. Le Tribunal fédéral a ainsi estimé
    que les soupçons initiaux n’apparaissaient ni
    diminués, ni renforcés, que ce soit par les mesures
    d’instruction effectuées ou par des informations
    qu’aurait apportées la Plaignante à l’appui
    de ses allégations (consid. 3.3.3).

  • Notre Haute Cour a également considéré que
    les deux éléments relevés par la cour
    cantonale pour renforcer les soupçons initiaux, à
    savoir la petite taille du groupe sur le marché du
    pétrole et l’étonnante attribution de 12 % des
    appels d’offres pendant une période
    d’instabilité politique, n’étaient pas
    suffisants pour justifier le maintien des séquestres.
    Même dans le cadre d’un examen limité à la
    vraisemblance en matière de séquestre, le
    caractère insolite de ces chiffres n’apparaît pas
    d’emblée évident et ne saurait ainsi suffire pour
    considérer que les mesures de contrainte visant des valeurs
    patrimoniales litigieuses se justifieraient encore (consid.
    3.3.4).

  • Au regard de ce qui précède, le Tribunal
    fédéral a conclu que le résultat
    hypothétique de l’exploitation future des données
    à disposition des autorités ne suffisait pas au
    regard de l’importance de l’atteinte importante que
    constitue de tels séquestres et du stade de
    l’instruction pour maintenir ces mesures (consid. 3.3.5).

  • Partant, le recours a été admis et la
    levée des séquestres litigieux ordonnée.

III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ

IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE

TF 5A_611/20231 du 7 mars 2024 |
Dépôt de la réquisition de vente avant le
délai minimal d’un mois (art. 116 al. 1 LP) et
qualification de son renvoi prématuré à
l’expéditeur en prescription (art. 9 al. 2 et 3
Oform)

  • Le 30 juin 2020, B. (« Intimé
    »
    ) a déposé un commandement de payer
    à l’encontre de A. (« Recourant
    »
    ) auprès de l’office des poursuites de
    Zurich. Celui-ci a procédé à la saisie le 16
    juin 2021 en l’absence du débiteur. L’acte de saisie
    établi le 18 août 2021 a été
    notifié au représentant du débiteur par
    l’office des poursuites de Lugano le 23 août 2021,
    à titre d’entraide judiciaire. Par courrier du 30
    août 2021, l’office des poursuites de Zurich a
    informé le représentant du débiteur que le
    créancier avait demandé la réalisation des
    biens saisis. La notification par voie d’entraide judiciaire de
    ce courrier par l’office des poursuites de Lugano a eu lieu le
    18 novembre 2022. Le Recourant a déposé plainte
    contre cette réquisition de vente devant le
    Bezirksgericht puis devant l’Obergericht du
    canton de Zurich en arguant que le créancier avait
    déposé sa réquisition de vente trop tôt
    ce qui la rendait inefficace, les actes de poursuite en
    découlant étant nuls et la poursuite éteinte
    en vertu de l’art. 121 LP. Ces deux autorités ont
    rejeté les plaintes du Recourant par décisions du 21
    mai 2023 et du 27 juillet 2023.

  • Le Tribunal fédéral a rappelé qu’un
    créancier peut requérir la réalisation des
    biens mobiliers ainsi que des créances et autres droits
    saisis au plus tôt un mois et au plus tard un an après
    la saisie, celle des immeubles saisis au plus tôt six mois et
    au plus tard deux ans après la saisie (art. 116 al. 1 LP).
    Tant les délais minimaux que maximaux commencent à
    courir à partir de l’exécution de la saisie. Si,
    comme en l’espèce, le débiteur n’était
    ni présent ni représenté lors de la saisie,
    l’exécution n’a lieu qu’au moment où
    l’acte de saisie lui est notifié. (consid. 3.1).

  • In casu, le délai dans lequel la
    réquisition de vente peut être déposée
    n’a commencé à courir que le 24 septembre 2021
    (art. 116 al. 1 LP cum art. 31 LP cum art. 142
    al. 1 et 2 CPC). L’Intimé a donc déposé sa
    réquisition de vente bien avant l’expiration du
    délai d’attente d’un mois de l’art. 116 al. 1 LP
    (consid 3.1).

  • Comme l’a exposé le Tribunal fédéral,
    l’art. 9 al. 2 de l’Ordonnance sur les formulaires et
    registres à employer en matière de poursuite (Oform)
    prévoit que les réquisitions de réalisation
    déposées trop tôt sont renvoyées
    à l’expéditeur. Font exception les demandes qui
    parviennent au maximum deux jours en avance qui sont
    acceptées et enregistrées au jour à partir
    duquel elles sont recevables et considérées comme
    déposées (art. 9 al. 3 Oform). Cette directive a un
    caractère impératif (consid. 3.2).

  • Notre Haute Cour a néanmoins souligné que le
    délai minimal de l’art. 116 al. 1 LP est important pour
    le débiteur, non pas en ce qui concerne le moment de la
    réquisition de réalisation, mais pour la suite de la
    procédure de poursuite, en ce qu’il lui permet de
    remédier à la situation de sa propre initiative.
    Ainsi, si en violation des prescriptions, l’office des
    poursuites ne rejette pas une réquisition de
    réalisation arrivée plus de deux jours trop
    tôt, mais se contente de ne pas y donner suite
    jusqu’à ce qu’elle puisse être
    déposée, les actes qui s’ensuivent ne peuvent
    être considérés comme nuls (consid. 3.3).

  • Le Tribunal fédéral a ainsi retenu que la
    directive de l’art. 9 al. 2 et 3 Oform est une simple
    prescription d’ordre dont le non-respect n’a pas
    d’influence sur la validité des actes officiels
    ultérieurs, à moins que l’office des poursuites
    n’ait lui-même fait avancer la procédure de
    poursuite de manière précoce sur la base d’une
    réquisition de réalisation prématurée.
    En l’espèce, l’office des poursuites a attendu plus
    d’un an après la réception de la
    réquisition de réalisation de sorte que le Recourant
    disposait d’environ quatorze mois, au lieu du délai de
    grâce légal d’un mois, pour régler de sa
    propre initiative la créance mise en poursuite. Il n’y a
    donc pas eu de violation de l’art. 116 al. 1 LP (consid.
    3.3).

  • Partant, le recours a été rejeté.

Footnote

1. Destiné à
publication.

The content of this article is intended to provide a general
guide to the subject matter. Specialist advice should be sought
about your specific circumstances.

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