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Quelques propos introductifs
La présente Newsletter de Monfrini Bitton Klein vise
à offrir, de manière hebdomadaire, un tour
d’horizon de la jurisprudence rendue par le Tribunal
fédéral dans les principaux domaines
d’activité de l’Etude, soit le droit pénal
économique et le recouvrement d’actifs (asset
recovery).
Sans prétendre à l’exhaustivité, seront
reproduits ci-après les considérants consacrant le
raisonnement juridique principal développé par notre
Haute juridiction sur les thématiques suivantes : droit de
procédure pénale, droit pénal
économique, droit international privé, droit de la
poursuite et de la faillite, ainsi que le droit de l’entraide
internationale.
I. PROCÉDURE PÉNALE
TF 7B_211/2022 du 12 mars 2024 |
Nécessité d’ordonner un classement partiel des
faits prescrits et violation de la présomption
d’innocence (art. 329 al. 4 et 5 CPP, art. 10 al. 1 CPP)
- Le 20 août 2018, le Ministère public du canton du
Soleure a rendu une ordonnance pénale à
l’encontre de A. (« Recourant »)
pour diverses violations de la LCR, notamment pour s’être
soustrait aux mesures visant à déterminer son
incapacité de conduire après un accident.
Après l’opposition du Recourant,
l’Amtsgerichtsstatthalterin
d’Olten-Gösgen a (i) constaté la
prescription de certains faits reprochés dans l’acte
d’accusation (ch. 1 et 3), et (ii) condamné le
Recourant en lien avec les mesures de détermination de
l’incapacité de conduire (ch. 2). - Le Recourant s’est plaint d’une violation des art. 329
al. 4 et 5, et 2 al. 2 CPP en ce qu’un classement concernant
les ch. 1 et 3 de l’acte d’accusation aurait dû
être prononcé en raison de l’existence d’un
empêchement de procéder (prescription). De plus,
l’absence de classement de ces faits et leur utilisation
indirecte pour le condamner sur le ch. 2 violait la
présomption d’innocence (art. 10 al. 1 CPP) (consid.
2.1). - Dans ses considérants, le Tribunal fédéral
a rappelé qu’un classement partiel n’entre en
principe en ligne de compte que lorsqu’il s’agit de juger
plusieurs états de fait ou plusieurs actes au sens
procédural du terme, qui peuvent faire l’objet d’un
traitement séparé. En revanche, dans la mesure
où il s’agit uniquement d’une appréciation
juridique différente d’un seul et même état
de fait, un classement partiel de la procédure est exclu. Si
la procédure est, à tort, partiellement
classée et que le classement partiel entre en force, son
effet de blocage s’oppose, en vertu du principe ne bis in
idem, à une condamnation pour les mêmes faits
(consid. 2.3.2). - In casu, notre Haute Cour a considéré,
d’une part que, bien que les trois griefs formulés
à l’encontre du Recourant soient étroitement
liés, ils reposaient sur des états de fait
différents qui pouvaient clairement être
distingués les uns des autres. La première instance
aurait donc dû classer la procédure concernant les ch.
1 et 3 de l’acte d’accusation en raison de la prescription
(consid. 2.4.3 et 2.4.4). - D’autre part, le Tribunal fédéral a
constaté que, bien que l’instance
précédente n’ait pas statué sur les ch. 1
et 3 de l’acte d’accusation, elle n’avait pas non plus
prononcé de classement ou d’acquittement les concernant.
Au contraire, l’instance inférieure avait implicitement
considéré, lors de son évaluation du ch. 2 de
l’acte d’accusation, que l’accident s’était
produit comme décrit au ch. 1, soit causé par le
Recourant en violation des règles de la circulation
routière. L’argumentation de l’instance
inférieure violait donc la présomption
d’innocence, (consid. 2.4.5). - Partant, le recours a été admis et la cause
renvoyée.
TF 7B_636/2023 du 14 février 2024|
Récusation d’un procureur suite à la violation de
son devoir d’assistance à un détenu pour refus de
traitement dentaire (art. 56 CPP, art. 6 ch. 1 CEDH)
- Après avoir été placé en
détention provisoire le 24 décembre 2022 pour
infraction qualifiée à la loi sur les
stupéfiants, A. (« Intimé
») a requis du Tribunal cantonal des Grisons («
Tribunal cantonal ») la récusation du
procureur B. (« Procureur ») au motif
qu’il avait retenu sa correspondance et que les deux se
connaissaient avant son incarcération. - Le 6 juin 2023, l’Intimé a fait une nouvelle demande
de récusation auprès du Tribunal cantonal dans
laquelle, outre les faits précédemment
allégués, il a ajouté que le Procureur lui
avait refusé un traitement dentaire médicalement
nécessaire afin de retirer ses dents de sagesse. - Par décision du 16 août 2023, le Tribunal cantonal
a admis sa demande de récusation et a constaté que le
Procureur avait été partial. Le Ministère
public des Grisons (« Recourante ») a
interjeté un recours en matière pénale au
Tribunal fédéral. - Devant notre Haute Cour, la Recourante a invoqué la
violation de l’art. 56 CPP (consid. 4). - Elle a allégué que même si le Procureur
n’avait pas ordonné un traitement dentaire
nécessaire pour l’Intimé, ce n’était
pas une raison suffisante pour justifier une récusation,
puisque, selon les dispositions cantonales déterminantes,
l’extraction des dents de sagesse fait partie des
dépenses personnelles du détenu, soit de
l’Intimé (consid. 4.1). - Le Tribunal fédéral a rappelé que
l’art. 56 CPP concrétise les garanties
procédurales des art. 6 ch. 1 CEDH, art. 29 al. 1 et 30 al.
1 Cst. pour les autorités de poursuite pénale et ses
organes. Outre les cas énoncés à l’art. 56
let. a – e CPP, un procureur se récuse lorsqu’il
pourrait être partial pour d’autres raisons, telles
qu’une amitié ou inimitié envers une partie ou
son mandataire (let. f) ou lorsque toute autre circonstance,
objectivement analysée, est propre à produire une
méfiance quant à l’impartialité de la
personne qui dirige l’instruction. Cette hypothèse ne
doit pas aisément être admise vis-à-vis du
ministère public selon la pratique jurisprudentielle
fédérale (consid. 4.2). - Toujours selon notre Haute Cour, et en déduisant cela de
l’art. 3 CEDH, il appartient aux Etats parties de fournir des
soins médicaux appropriés aux personnes
privées de liberté. En particulier, les
autorités doivent veiller é ce qu’une personne
détenue malade reçoive rapidement un diagnostic
précis et un traitement adéquat. Enfin, le niveau de
soins médicaux requis doit être compatible avec la
dignité humaine de la personne détenue, tout en
tenant compte des exigences pratiques liées à la
détention (consid. 4.3). - In casu, il n’est pas reproché au Procureur
d’avoir suivi les dispositions cantonales et ainsi avoir
attendu une garantie de prise en charge des frais dentaires par
l’Intimé, mais de ne pas s’être enquis,
malgré l’urgence des soins dont nécessitait le
prévenu, si celui-ci était au bénéfice
d’une telle garantie. Compte tenu de l’importance du droit
au traitement médical de l’Intimé, le Procureur a
violé son devoir d’assistance concrétisant
l’apparence de partialité (consid. 4.4). - Partant, le Tribunal fédéral a rejeté le
recours
TF 7B_80/2023 du 6 février 2024|
Qualité pour recourir individuelle d’une
héritière contre un classement visant sa sSur
décédée et son conjoint (art. 81 al. 1 let. b
ch. 5 et 6 LTF)
- Le 26 avril 2021, A. (« Recourante
») a déposé plainte contre sa sSur D.B. pour
gestion déloyale à l’encontre de leur mère
décédée C., en décembre 2020. En
particulier, la Recourante a reproché à sa sSur
d’avoir retiré d’importantes sommes d’argent des
comptes bancaires de leur mère et d’avoir obligé
cette dernière à lui céder à vil prix
la villa dont elle était propriétaire en Italie. D.B.
est décédée en avril 2022. - Par courrier du 1er juin 2022, la Recourante a sollicité
du Ministère public genevois («
Ministère public ») l’extension
de la procédure pénale à B.B., époux de
D.B. Elle a fait valoir que ce dernier avait participé
à la commission des faits reprochés à feu
D.B., à tout le moins concernant la cession du bien
immobilier situé en Italie dont il était devenu
propriétaire avec son épouse. - Par ordonnance du 19 décembre 2022, le Ministère
public a classé la procédure pénale ouverte
contre D.B. pour gestion déloyale ainsi que la
procédure contre B.B. (« l’Epoux
») au motif qu’il existait un empêchement de
procéder du fait du décès de D.B., d’une
part, et, d’autre part, du fait de l’incompétence
des autorités suisses vis-à-vis du bien immobilier
sis à l’étranger. La Recourante a conclu à
l’annulation de l’ordonnance de classement et au renvoi de
la cause au Ministère public pour ouverture d’une
instruction pénale contre B.B. - Le Tribunal fédéral a commencé par
rappeler que les successeurs d’une personne physique ou morale
lésée doivent être considérés
comme des lésés indirects, qui en principe ne peuvent
pas se constituer partie plaignante dans la procédure
pénale. Ainsi le lésé qui, à son
décès, n’a pas renoncé à ses droits
de procédure, les passe à ses proches et ces derniers
seront habilités à introduire uniquement une action
civile sans pouvoir se rapporter aux droits de procédure qui
découlent directement des conclusions civiles (art. 121 CPP
cum art. 110 al. 1 CP) (consid. 1.3.2). - En cas d’infractions commises au préjudice d’une
communauté héréditaire, les héritiers
individuellement sont considérés comme des
lésés (art. 115 al. 1 CPP). Le droit de porter
plainte appartient à chaque héritier personnellement
(art. 30 al. 1 CP). L’héritier lésé qui
s’est constitué partie plaignante est
légitimé à recourir sur le plan cantonal,
contre la décision de non-entrée en matière,
sans le concours des autres héritiers. Cependant, au niveau
fédéral, la partie plaignante ne peut recourir que si
la décision attaquée peut avoir des effets sur les
prétentions civiles et avec le concours des autres
héritiers (art. 81 al. 1 ch. 5 LTF cum art. 602 al.
1 CC) (consid. 1.3.3). - In casu, la Recourante n’avait consacré
aucun développement à la question de sa
qualité pour recourir seule devant le Tribunal
fédéral. En particulier, elle n’avait pas fait
mention de comment la succession avait été
réglée avec les 5 autres enfants et les motifs pour
lesquels elle serait la seule et unique titulaire des
prétentions civiles découlant d’infractions
commises au préjudice de la communauté
héréditaire de feu C. Partant, elle ne disposait pas
de la qualité pour recourir au sens de l’art. 81 al. 1
ch. 5 LTF (consid. 1.3.4). - La Recourante s’est notamment prévalue d’une
violation de son droit de porter plainte relatif à
l’infraction de gestion déloyale et/ou de recel (consid.
2). - Selon l’art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF, le plaignant
n’a qualité pour recourir en matière
pénale que pour autant que la contestation porte sur son
droit de porter plainte. Dans ce cadre, seuls peuvent être
soulevés des griefs relatifs à
l’irrégularité de ce droit et de ses conditions
(art. 30 à 33 CP). De ce fait, celui qui dénonce une
infraction poursuivie d’office n’a pas la qualité de
plaignant et, partant pas la qualité de recourir au sens de
cette disposition (consid. 2.1.1). - La poursuite de certaines infractions commises au
préjudice de proches ou de familiers (cf. art. 110 al. 1 et
2 CP) implique le dépôt d’une plainte
pénale au sens de l’art. 30 CP. Il en va notamment ainsi
de l’art. 158 ch. 3 CP qui dispose que la gestion
déloyale au préjudice des proches ou des familiers ne
sera poursuivie que sur plainte. Lorsque l’auteur de
l’infraction est un proche ou un familier de la personne
lésée par cette infraction, une plainte est donc
nécessaire, comme condition de la poursuite pénale
(consid. 2.1.2). - In casu, le 26 avril 2021, la Recourante a
porté plainte contre l’Epoux de sa sSur, pour gestion
déloyale du fait de la cession et de la vente de la villa en
Italie. Or, il est incontestable que vis-à-vis de la
défunte C., l’Epoux de la sSur de la Recourante n’a
pas la qualité de proche au sens du code pénal
suisse. Partant, l’infraction ne se poursuivait pas sur
plainte, mais d’office. Dès lors, la Recourante
n’avait pas la qualité de plaignante et ne pouvait pas
se prévaloir de l’art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF
(consid. 2.3.1). - Partant, le recours a été rejeté.
TF 6B_993/2022 du 18 mars 2024 | Violation du
droit à un procès équitable – absence de
prononcé d’une interdiction de postuler – conflits
d’intérêts en raison de l’association du
mandataire et du procureur en procédure d’appel (art. 6
par. 1 CEDH, art. 3 et 4 CPP, art. 12 let. c LLCA )
- Par jugement du 29 avril 2021, A. («
Recourant ») a été reconnu
coupable de violence ou menace contre les autorités et les
fonctionnaires par le Tribunal de Police de la République et
canton de Genève. Sur appel, sa demande d’interdiction
de postuler à l’endroit de Me G., représentant
l’intimé, a été rejetée. - Devant le Tribunal fédéral, le Recourant a
reproché à l’instance précédente
d’avoir violé son droit à un procès
équitable et le principe de l’égalité des
armes, au motif qu’un conflit d’intérêts
serait survenu du fait que le procureur (Me F.) ayant instruit la
procédure pénale était devenu
l’associé du mandataire (Me G.) de l’intimé
pendant la procédure d’appel. Il a invoqué
à ce titre une violation des art. 6 par. 1 CEDH ainsi que 3
et 4 CPP (consid. 2). - Dans cet arrêt, la question posée était
celle de savoir si un procureur peut, après avoir
quitté le ministère public, agir en qualité
d’avocat d’une partie à la procédure
pénale au cours de laquelle il avait préalablement
exercé les fonctions d’accusateur public (consid.
2.2). - Le Tribunal fédéral a rappelé que
l’art. 12 let. c LLCA prévoit que l’avocat doit
éviter tout conflit d’intérêts entre les
intérêts du client et ceux des personnes avec
lesquelles il est en relation. Si un conflit
d’intérêts survient, l’avocat doit
immédiatement mettre fin à la représentation.
A défaut, l’avocat doit se voir dénier par
l’autorité la capacité de postuler. Cette
interdiction de plaider ne se limite pas à l’avocat
seul, mais rejaillit sur ses associés et s’étend
à l’ensemble de l’étude ou du groupement
auquel il appartient. Sous cet angle, sont donc en principe
concernés tous les avocats exerçant dans une
même étude au moment de la constitution du mandat, peu
importe leur statut (associés ou collaborateurs) (consid.
2.2.1). - En particulier, la jurisprudence a retenu le conflit
d’intérêts avéré, dès que
survient la possibilité d’utiliser, consciemment ou non,
dans un nouveau mandat, les connaissances acquises
antérieurement, sous couvert du secret professionnel, dans
l’exercice du mandat antérieur (consid. 2.2.2). - Notre Haute Cour a précisé que permettre au
procureur qui a officié dans une procédure
pénale en cette qualité, d’intervenir, par la
suite, comme conseil d’une partie à cette même
procédure, n’est pas compatible avec les exigences de
procès équitable, puisqu’une telle situation
crée, à tout le moins sous l’angle des
apparences, un déséquilibre entre les parties induit
par le risque de conflit d’intérêts
précédemment identifié (consid. 2.3). - In casu, Me F. avait été le procureur en
charge de la procédure pénale dirigée contre
le Recourant jusqu’au 31 décembre 2021, soit
postérieurement à l’ouverture de la
procédure d’appel au cours de laquelle le
prénommé s’était notamment
déterminé. À partir du 1er janvier 2022, il
s’était associé à Me G., qui
s’était constitué conseil de l’intimé
au stade de la procédure d’appel. Dès cette date,
un risque concret de conflit d’intérêts
était survenu en raison de la possibilité
d’utiliser, consciemment ou non, dans le cadre de ce mandat,
les connaissances acquises par l’ancien procureur, ce qui
constituait l’élément déterminant pour
admettre l’existence d’un tel risque (consid. 2.4). - Dès lors, le Tribunal fédéral a
considéré que la cour cantonale avait violé le
droit du Recourant à un procès équitable en
refusant d’interdire au conseil de l’intimé de
postuler (consid. 2.4). - Partant, le recours a été admis et la cause
renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle
décision pour les actes postérieurs au 1er janvier
2022 (consid. 4).
II. DROIT PÉNAL ÉCONOMIQUE
TF 7B_366/2023 du 14 février 2024 |
Absence de soupçons suffisants pour le maintien du
séquestre de valeurs patrimoniales (art. 263 CPP)
- En février 2018, I. SA (« Plaignante
»), une compagnie pétrolière
appartenant à un État sud-américain, a
déposé plainte pénale auprès du
Ministère public genevois contre plusieurs individus
(« Recourants »), dont A. et D., pour
corruption d’agents publics étrangers, blanchiment
d’argent et soustraction de données. Les investigations
ont inclus des auditions, des saisies de fichiers informatiques et
des commissions rogatoires internationales, mais n’ont pas
apporté d’éléments concluants. En
réponse à la demande du Ministère public, la
Plaignante a partiellement fourni la documentation requise. - Par la suite, des séquestres ont été
ordonnés sur les avoirs des Recourants. Dans leur
requête de levée de ces séquestres, les
Recourants ont affirmé que les soupçons
nécessaires au maintien de ces mesures ne
s’étaient pas renforcés, invoquant notamment le
classement de la plainte de la Plaignante déposée
pour les mêmes faits dans l’Etat sud-américain
où elle a son siège et l’absence de
démonstration concrète de ses autres
allégations. - Dans dix ordonnances du 7 novembre 2022, le Ministère
public a levé les séquestres frappant les divers
comptes bancaires tout en précisant qu’une partie des
pièces et fichiers électroniques saisis à
Genève n’avaient pas encore été
exploités en vue de leur versement au dossier, faute de
critères de tri suffisamment sélectifs. Il en
résultait ainsi qu’après quatre ans
d’instruction, les soupçons initiaux n’avaient pas
totalement disparus, mais qu’en l’état, les
éléments réunis ne renforçaient pas la
perspective d’une confiscation des valeurs patrimoniales
saisies. - Le 20 juin 2023, la Chambre pénale de recours de la Cour
de justice genevoise a admis les recours formés par la
Plaignante. Les Recourants ont interjeté recours contre
cette décision. - Le Tribunal fédéral a rappelé que les
mesures de contrainte doivent être justifiées par
l’existence de soupçons suffisants, et que leur maintien
doit être proportionné au regard de la gravité
de l’infraction (art. 197 al. 1 CPP). Un séquestre est
une mesure basée sur la vraisemblance. Tant que
l’instruction n’est pas achevée et que subsiste une
probabilité de confiscation, de créance compensatrice
ou d’une allocation au lésé, la mesure
conservatoire doit être maintenue. Le séquestre ne
peut être levé que dans l’hypothèse
où il est d’emblée manifeste et indubitable que
les conditions matérielles d’une confiscation ne sont
pas réalisées et ne pourront pas l’être.
Cependant, les probabilités d’une confiscation,
respectivement du prononcé d’une créance
compensatrice, doivent se renforcer au cours de l’instruction.
L’autorité doit pouvoir statuer rapidement (art. 263 al.
2 CPP), ce qui exclut qu’elle résolve des questions
juridiques complexes ou qu’elle attende d’être
renseignée de manière exacte et complète sur
les faits avant d’agir. Un séquestre peut par ailleurs
apparaître disproportionné lorsque la procédure
dans laquelle il s’inscrit s’éternise sans motifs
suffisants (consid, 3.2). - In casu, le Tribunal fédéral a
constaté que malgré les mesures d’instruction
effectuées depuis le dépôt de la plainte, les
données saisies n’avaient pas été
exploitées de manière significative. Alors que le
volume des données à exploiter était
particulièrement important dans le cas d’espèce,
le Ministère public ne paraissait pas non plus avoir
disposé d’informations suffisantes lui permettant de
cibler, notamment par des mots-clés, les données
pertinentes, faute d’une collaboration appropriée de la
Plaignante. Les juges de Mon-Repos ont également
souligné, à l’instar de l’instance
inférieure qui n’en avait néanmoins pas fait
grand cas, l’absence de mise en évidence d’actes
viciés ou de flux de fonds précis qui viendraient
étayer le rapport de corruption avancé par la
Plaignante. Le Tribunal fédéral a ainsi estimé
que les soupçons initiaux n’apparaissaient ni
diminués, ni renforcés, que ce soit par les mesures
d’instruction effectuées ou par des informations
qu’aurait apportées la Plaignante à l’appui
de ses allégations (consid. 3.3.3). - Notre Haute Cour a également considéré que
les deux éléments relevés par la cour
cantonale pour renforcer les soupçons initiaux, à
savoir la petite taille du groupe sur le marché du
pétrole et l’étonnante attribution de 12 % des
appels d’offres pendant une période
d’instabilité politique, n’étaient pas
suffisants pour justifier le maintien des séquestres.
Même dans le cadre d’un examen limité à la
vraisemblance en matière de séquestre, le
caractère insolite de ces chiffres n’apparaît pas
d’emblée évident et ne saurait ainsi suffire pour
considérer que les mesures de contrainte visant des valeurs
patrimoniales litigieuses se justifieraient encore (consid.
3.3.4). - Au regard de ce qui précède, le Tribunal
fédéral a conclu que le résultat
hypothétique de l’exploitation future des données
à disposition des autorités ne suffisait pas au
regard de l’importance de l’atteinte importante que
constitue de tels séquestres et du stade de
l’instruction pour maintenir ces mesures (consid. 3.3.5). - Partant, le recours a été admis et la
levée des séquestres litigieux ordonnée.
III. DROIT INTERNATIONAL PRIVÉ
IV. DROIT DE LA POURSUITE ET DE LA FAILLITE
TF 5A_611/20231 du 7 mars 2024 |
Dépôt de la réquisition de vente avant le
délai minimal d’un mois (art. 116 al. 1 LP) et
qualification de son renvoi prématuré à
l’expéditeur en prescription (art. 9 al. 2 et 3
Oform)
- Le 30 juin 2020, B. (« Intimé
») a déposé un commandement de payer
à l’encontre de A. (« Recourant
») auprès de l’office des poursuites de
Zurich. Celui-ci a procédé à la saisie le 16
juin 2021 en l’absence du débiteur. L’acte de saisie
établi le 18 août 2021 a été
notifié au représentant du débiteur par
l’office des poursuites de Lugano le 23 août 2021,
à titre d’entraide judiciaire. Par courrier du 30
août 2021, l’office des poursuites de Zurich a
informé le représentant du débiteur que le
créancier avait demandé la réalisation des
biens saisis. La notification par voie d’entraide judiciaire de
ce courrier par l’office des poursuites de Lugano a eu lieu le
18 novembre 2022. Le Recourant a déposé plainte
contre cette réquisition de vente devant le
Bezirksgericht puis devant l’Obergericht du
canton de Zurich en arguant que le créancier avait
déposé sa réquisition de vente trop tôt
ce qui la rendait inefficace, les actes de poursuite en
découlant étant nuls et la poursuite éteinte
en vertu de l’art. 121 LP. Ces deux autorités ont
rejeté les plaintes du Recourant par décisions du 21
mai 2023 et du 27 juillet 2023. - Le Tribunal fédéral a rappelé qu’un
créancier peut requérir la réalisation des
biens mobiliers ainsi que des créances et autres droits
saisis au plus tôt un mois et au plus tard un an après
la saisie, celle des immeubles saisis au plus tôt six mois et
au plus tard deux ans après la saisie (art. 116 al. 1 LP).
Tant les délais minimaux que maximaux commencent à
courir à partir de l’exécution de la saisie. Si,
comme en l’espèce, le débiteur n’était
ni présent ni représenté lors de la saisie,
l’exécution n’a lieu qu’au moment où
l’acte de saisie lui est notifié. (consid. 3.1). - In casu, le délai dans lequel la
réquisition de vente peut être déposée
n’a commencé à courir que le 24 septembre 2021
(art. 116 al. 1 LP cum art. 31 LP cum art. 142
al. 1 et 2 CPC). L’Intimé a donc déposé sa
réquisition de vente bien avant l’expiration du
délai d’attente d’un mois de l’art. 116 al. 1 LP
(consid 3.1). - Comme l’a exposé le Tribunal fédéral,
l’art. 9 al. 2 de l’Ordonnance sur les formulaires et
registres à employer en matière de poursuite (Oform)
prévoit que les réquisitions de réalisation
déposées trop tôt sont renvoyées
à l’expéditeur. Font exception les demandes qui
parviennent au maximum deux jours en avance qui sont
acceptées et enregistrées au jour à partir
duquel elles sont recevables et considérées comme
déposées (art. 9 al. 3 Oform). Cette directive a un
caractère impératif (consid. 3.2). - Notre Haute Cour a néanmoins souligné que le
délai minimal de l’art. 116 al. 1 LP est important pour
le débiteur, non pas en ce qui concerne le moment de la
réquisition de réalisation, mais pour la suite de la
procédure de poursuite, en ce qu’il lui permet de
remédier à la situation de sa propre initiative.
Ainsi, si en violation des prescriptions, l’office des
poursuites ne rejette pas une réquisition de
réalisation arrivée plus de deux jours trop
tôt, mais se contente de ne pas y donner suite
jusqu’à ce qu’elle puisse être
déposée, les actes qui s’ensuivent ne peuvent
être considérés comme nuls (consid. 3.3). - Le Tribunal fédéral a ainsi retenu que la
directive de l’art. 9 al. 2 et 3 Oform est une simple
prescription d’ordre dont le non-respect n’a pas
d’influence sur la validité des actes officiels
ultérieurs, à moins que l’office des poursuites
n’ait lui-même fait avancer la procédure de
poursuite de manière précoce sur la base d’une
réquisition de réalisation prématurée.
En l’espèce, l’office des poursuites a attendu plus
d’un an après la réception de la
réquisition de réalisation de sorte que le Recourant
disposait d’environ quatorze mois, au lieu du délai de
grâce légal d’un mois, pour régler de sa
propre initiative la créance mise en poursuite. Il n’y a
donc pas eu de violation de l’art. 116 al. 1 LP (consid.
3.3). - Partant, le recours a été rejeté.
Footnote
1. Destiné à
publication.
The content of this article is intended to provide a general
guide to the subject matter. Specialist advice should be sought
about your specific circumstances.
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